Ils  sont extraits du livre :  Mémoire sur la vie de M de Pibrac  par J. C. Lespine de Grainville, édition Amsterdam (1781)

Les Quatrains sont constitués de 126 strophes qui trouvent leur inspiration chez les philosophes anciens : Grecs, Latins et Hébreux. La première édition est parue en 1774.

 

Extrait

1. Dieu tout premier, puis pere et mere, honore ; Sois jufte & droit, & en toute faifonfaifon : saison De l’innocent pren en main la raifon ;raifon : raison Car Dieu te doit là-haut juger encore. 2. Si en jugeant la faveur te commande ; Si corrompu par or, ou par préfens, Tu fais juftice au gré des Courtifans, Ne doute point que Dieu ne te le rende. 3. Avec le jour commence ta journée, De l’Eternel le faintct Nom béniffant ; La foi auffi ton labeur finiffant, Loue-le encore, & paffe ainfi l’année. 4. Adore affis (1)comme le Grec (2) ordonne,(1) Tranquillement, (2) Socrate Dieu en courant ne veut être honoré, D’un ferme cœur il veut être adoré, Mais ce cœur-là, il faut qu’il nous le donne. 5. Ne va difant : ma main a fait ceft œuvre,ceft : cet Ou ma vertu ce bel œuvre a parfait ; Mais dis ainfi : Dieu par moi l’œuvre a fait, Dieu eft l’Auteur du peu de bien que j’œuvre.Eft : est 6. Tout l’Univers n’eft qu’une Cité ronde, Chacune a droit de s’en dire bourgeois ; Le Scythe & More autant que le Grégeois (3),(3) Grec Le plus petit, que le plus grand du monde. 7. Dans le pourpris (4) de cefte Cité belle,(4) l’enceinte Dieu a logé l’homme comme en lieu fainct, Comme en un Temple où luy-même s’eft peinct En mille endroits de couleur immortelle. 8. Il n’y a coing fi petit dans ce Temple, Où la grandeur n’apparoiffe de Dieu ; L’homme eft planté juftement au milieu, Afin que mieux partout il la comptemple. 9. Il ne fçauroit ailleurs mieux le cognoiftre, Que dedans foy, ou comme en un miroir, La terre il peut, & le Ciel même voir ; Car tout le monde eft compris en fon eftre. 10. Qui a de foi parfaite cognoiffance,Cognoiffance : connaissance N’ignore rien de ce qu’il faut fçavoir : Mais le moyen affuré de l’avoir, Eft fe mirer dedans la Sapience.Sapience : patience
20. Ne va fuivant le troupeau d’Epicure, Troupeau vilain qui blafphême en tout lieu, Et mécréant, ne connoît autre Dieu Que le fatal ordre de la nature. 30. Ce n’eft pas peu, naiffant de tige illustre, Eftre éclairé par fes anteceffeurs, Mais c’eft bein plus, luire à fes fucceffeurs, Que des ayeux feulement prendre lustre. 40. L’oyfelleur caut fe fert du doux ramage Des oyfillons, & contrefait leur chant ; Ainfi pour mieux décévoir, le méchant Des gens de bien imite le langage. 50. Voy l’hypocrite avec fa trifte mine, Tu le prendrois pour l’aîné des Catons ; Et cependant toute nuit à tatons, Il court, il va, pour tromper fa voifine.
60. Le menaffer du tyran ne l’eftonne ; Plus fe roidit quand plus eft agité. Il cognoift feul ce qu’il a mérité, Et ne l’attend hors de foy de perfonne. 61. Vertu és mœurs ne s’aqiert par l’étude, Ne par argent, ne par faveur des Roys, Ne par acte, ou par deux ou par trois, Ains par conftante & par longue habitude. 62. Qui lit beaucoup & jamais médite Semble à celui qui mange avidement, Et de tous mets furcharge tellement Son estomach, que rien ne lui profite. 63. Maint un pouvoit par temps devenir fage, S’il n’eût cuidé d’être ja tout a fait ;Ja : déjà, Cuider : penser, croire Quel artifan onc fut maître parfait,Onc : jamais Du premier jour de fon apprentissage ? 64. Petit ruiffeaux font groffes rivières. Qui bruit fi haut en fon commencement, N’a pas long parcours, non plus que le torrent, Qui perd fon nom és prochaines fondrieres. 65. Maudit celui qui fraude la femence, Ou qui retient le falaire promis Au mercenaire ; ou qui de fes amis Ne fe fouvient, finon en leur présence. 66. Ne te parjure en aucune maniere ; Et fi tu es contraint faire ferment, Le Ciel ne jure, ou l’homme, ou l’élement, Ains par le nom de la caufe première. 67. Car Dieu qui haït le parjure exécrable ; Et le punit comme il a mérité, Ne veut que l’on temoigne vérité, Parce qui eft menfonger ou muable. 68. Un art fans plus, en luy feul t’exercite, Et du métier d’autruy ne t’empêchant, Va dans le tien le parfait recherchant, Car exceller n’eft pas chose petite. 69. Plus n’embraffer que l’on ne peut eftraindre : Aux grands honneurs convoiteux n’afpirer, Ufer des bien & ne les défirer, Ne fouhaiter la mort, & ne la craindre. 70. Il ne faut pas, au plaisir de la couche De chafteté reftraindre le beau don, Et cependant livrer à l’abandon, Ses yeux, fes mains, fon oreille & fa bouche
60. Le menaffer du tyran ne l’eftonne ; Plus fe roidit quand plus eft agité. Il cognoift feul ce qu’il a mérité, Et ne l’attend hors de foy de perfonne. 61. Vertu és mœurs ne s’aqiert par l’étude, Ne par argent, ne par faveur des Roys, Ne par acte, ou par deux ou par trois, Ains par conftante & par longue habitude. 62. Qui lit beaucoup & jamais médite Semble à celui qui mange avidement, Et de tous mets furcharge tellement Son estomach, que rien ne lui profite. 63. Maint un pouvoit par temps devenir fage, S’il n’eût cuidé d’être ja tout a fait ;Ja : déjà, Cuider : penser, croire Quel artifan onc fut maître parfait,Onc : jamais Du premier jour de fon apprentissage ? 64. Petit ruiffeaux font groffes rivières. Qui bruit fi haut en fon commencement, N’a pas long parcours, non plus que le torrent, Qui perd fon nom és prochaines fondrieres. 65. Maudit celui qui fraude la femence, Ou qui retient le falaire promis Au mercenaire ; ou qui de fes amis Ne fe fouvient, finon en leur présence. 66. Ne te parjure en aucune maniere ; Et fi tu es contraint faire ferment, Le Ciel ne jure, ou l’homme, ou l’élement, Ains par le nom de la caufe première. 67. Car Dieu qui haït le parjure exécrable ; Et le punit comme il a mérité, Ne veut que l’on temoigne vérité, Parce qui eft menfonger ou muable. 68. Un art fans plus, en luy feul t’exercite, Et du métier d’autruy ne t’empêchant, Va dans le tien le parfait recherchant, Car exceller n’eft pas chose petite. 69. Plus n’embraffer que l’on ne peut eftraindre : Aux grands honneurs convoiteux n’afpirer, Ufer des bien & ne les défirer, Ne fouhaiter la mort, & ne la craindre. 70. Il ne faut pas, au plaisir de la couche De chafteté reftraindre le beau don, Et cependant livrer à l’abandon, Ses yeux, fes mains, fon oreille & fa bouche
120. Cil qui ingrat envers toi fe démontre, Va augmentant le loz de ton bien-fait ;Loz : renom Le reprocher maint homme ingrat a faict, C’eft fe payer que du bien faire monftre. 121. Boire & manger, s’exercer par mefure, Sont de fanté les outils plus certains : L’excez, en l’un de ces trois, aux humains Hafte la mort & force la nature. 122. Si quelquefois le méchant te blafonne, Que t’en chaut il ? hélas c’eft ton honneur ; Le blafme prend fa force du donneur, Le loz eft bon, quand un bon nous le donne. 123. Nous meflons tout, le vray parler fe change, Souvent le vice eft du nom revetu De la prochaine oppofite vertu : Le loz eft blafme, & le blafme eft louange.Loz : renom 124. En bonne part ce qu’on dit tu dois prendre, Et l’imparfait du prochain fupporter, Couvrir fa faute, & ne la rapporter, Promt à louer, & tardif à reprendre 125. Cil qui penfe & fe dit être fage, Tiens le pour fol ; & celuy qui fçavant Se fait nommer, fonde le bien avant, Tu trouveras que ce n’eft que langage. 126. Plus on eft docte, & plus on fe deffie D’être fçavant ; & l’homme vertueuxFçavant : savant Jamais n’eft veu être préfomptueux, Voilà des fruicts de ma Philofophie.